Métabolismes urbains : conjuguer des approches complexes

  • Publié le 18 novembre 2017
  • Philippe Chiambaretta

Au-delà des débats autour de l’Anthropocène – datation, responsabilités… –, il ne fait pas de doute qu’il nous faut lutter contre les effets désastreux du développement humain. Prenant acte que ses conséquences s’incarnent spécifiquement dans les villes, l’architecte Philippe Chiambaretta pointe un changement de paradigme – le passage d’une vision machinique du monde à une conception centrée sur le vivant – qui réactive la notion de métabolisme. Le concept de vivant permet de dépasser le dualisme et l’anthropocentrisme introduit par la modernité et pousse vers une conception symbolique et pratique de la ville comme métabolisme urbain, signe d’une approche prenant en compte le défi écologique pour « ménager » la ville. Battant en brèche l’orgueil formel de l’architecte, la figure d’un planificateur métabolique se dessine, à même de conjuguer des visions et approches complexes, notamment en dépassant les clivages classiques entre acteurs de la ville, en œuvrant à une mixité intense des usages, en ouvrant des dynamiques temporelles et en réintégrant le vivant.

Épuisement moderne

Depuis les années 1950, la grande accélération démographique de l’espèce humaine s’accompagne d’une profonde mutation de ses modes d’existence : la part de l’humanité vivant en ville, de 35% en 1950, devrait atteindre 75 % en 2050.Organisation des Nations unies, Department of Economic and Social Affairs – Population Division (2014) : “World Urbanization Prospects : Revision”. En un siècle, nous passerions de 746 millions à 6,5 milliards d’urbains. Les mégalopoles concentrent l’essentiel de la population mondiale, des prélèvements de ressources naturelles et des rejets de déchets. Nous ne parviendrons pas à endiguer l’empreinte écologique de l’humanité sans maîtriser l’impact environnemental de ces proliférations urbaines, Mais les outils théoriques et méthodologiques pour parvenir à cette maitrise sont balbutiants.

Cette condition nouvelle, symptôme de l’Anthropocène, exige de s’émanciper de trois siècles de certitudes fondatrices de la Modernité occidentale, d’un rapport au monde défini par les dualités nature/culture, sujet/objet, machine/organisme. L’ensemble des champs de la connaissance œuvre à parer aux conséquences de notre insolent développement, à battre en brèche ce modèle construit sur la place centrale de l’homme. Son dépassement passe par un changement de paradigme : d’une conception machiniste du monde, nous nous dirigeons vers une vision centrée sur le vivant qui permet de reconsidérer la notion de métabolisme urbain.

Le vivant comme nouveau paradigme

Le premier cliché de la Terre pris par Apollo 11 en 1969 révéla la fragilité de notre planète et sa singularité vivante dans l’infini du cosmos. Cet « avènement du Monde »Lussault, Michel (2013) : L’Avènement du Monde. Essai sur l’habitation humaine de la Terre, Paris, Seuil. précéda de peu la publication du rapport MeadowsPublié par Chelsea Green Publishing en 1972, il représente la première étude importante soulignant les dangers écologiques de la croissance économique et démographique., qui démontra scientifiquement les impacts de l’activité humaine sur l’environnement. Des sciences du vivant émergèrent les remises en cause les plus fécondes de la rationalité moderne. En 1974, Henri Laborit, s’appuyant sur les sciences cognitives, propose une « nouvelle grille »Laborit, Henri (1974) : La Nouvelle grille. Pour décoder le message humain, Paris, Laffont. biologique comme base de la compréhension des conduites humaines en situation sociale. Il enrichit les analyses de Marx et Freud de la pensée cybernétique en suivant le postulat que la raison d’être d’un être ou d’un groupe est d’assurer sa survie« La seule raison d’être d’un être c’est d’être. C’est à dire, de maintenir sa structure. C’est de se maintenir en vie. Sans cela, il n’y a pas d’être. » Henri Laborit dans Mon oncle d’Amérique, Resnais, Alain (1980).. L’organisme – système fermé sur sa structure mais ouvert d’un point de vue thermodynamique et informationnel – se maintient par des enchaînements de régulations internes et d’échanges avec son milieu, ces derniers étant à l’origine de sa sociabilité.

Suivant cette vision « dissipative », le prix Nobel de chimie Ilya Prigogine et la philosophe Isabelle Stengers proposent en 1978 une « nouvelle alliance »Prigogine, Ilya, Stengers, Isabelle (1979) : La Nouvelle alliance. Métamorphose de la science, Paris, Gallimard. entre l’homme et le monde, remettant en cause une science classique qui excluait l’homme du monde qu’elle étudiait. En passant d’une nature assimilée à un automate à un monde qui comprend l’homme en son sein, mais aussi en admettant que du désordre et du flux puisse naître ordre et équilibre, émerge l’idée que le chaos puisse être à l’origine d’un ordre nouveau. Se profilent ainsi la vision d’une nature en perpétuelle évolution et une humilité scientifique inédite face à l’incertitude de la connaissance.

L’idée d’une réalité complexe nécessitant une connaissance transdisciplinaire fait alors l’objet d’échanges fertiles entre des personnalités issues de champs divers comme Henri Laborit, Michel Rocard, Michel Serres ou Edgar Morin. Ce dernier fera de la pensée complexe le sujet central de son œuvre maîtresse La MéthodeMorin, Edgar (1977, 2004) : La Méthode (6 tomes), Paris, Le Seuil., invoquant la notion de « reliance » pour caractériser le besoin de relier ce que la connaissance avait séparé, compartimenté et classé en disciplines ou écoles de pensée. Il déchiffre au contraire dans la nature une combinaison de confrontations, complémentarités, concurrences et coopération en étroite synergie dynamique.

Ces réflexions, qui n’ont cessé de se développer depuis les années 1970, s’avèrent d’une pertinence centrale avec la prééminence progressive des questions environnementales. Le récit Anthropocène, qui rapproche l’histoire humaine de la géohistoire, nous force à repenser notre rapport à la Nature et à redéfinir la place de l’homme comme partie intégrante de celle-ci. Le concept même de Nature – construction anthropique et occidentale – se trouve au cœur des questions contemporaines de la philosophie, de l’anthropologie et des sciences.

Bruno Latour voit dans l’Anthropocène la confirmation de ce qu’il affirme depuis deux décennies : « nous n’avons jamais été modernesLatour, Bruno (1991) : Nous n’avons jamais été modernes, essai d’anthropologie symétrique, Paris, La Découverte. », et les séparations sujet/objet ou nature/culture n’ont jamais existé. En s’emparant de l’hypothèse Gaïa de Lovelock, qui voit la planète comme un super-organisme vivant, il s’affranchit des limites du vivant et du non-vivant. Le mouvement du Réalisme Spéculatif, né en 2007 avec Graham Harman, Timothy Morton et Quentin Meillassoux, aborde la pensée d’un monde défait de la prééminence anthropique par une philosophie des choses qui les rendraient égales sur le plan ontologique. Dans la lignée de Philippe Descola, l’anthropologue Eduardo Kohn explore une anthropologie au-delà de l’humain, s’interrogeant sur l’existence d’une communication inter-espècesKohn, Eduardo, (2017) : Comment pensent les forêts, Montréal, Zones sensibles.. Catherine et Raphaël LarrèreLarrère, Catherine et Raphaël (2015) : Penser et agir avec la nature, une enquête philosophique, Paris, La Découverte. appellent par leur philosophie environnementale à reconsidérer la technique – afin qu’elle ne soit plus oublieuse de la nature – en prônant « l’art du pilotage » et du « faire avec », consistant davantage à infléchir qu’à commander.

Mine Mirny, mine de diamant à ciel ouvert russe, située à Mirny en république de Sakha, en Sibérie orientale

Le vivant construit ainsi un nouveau paradigme au cœur de la pensée contemporaine. Il incarne la figure d’une complexité qui fournit une nouvelle perspective scientifique et imaginaire pour définir notre rapport à un monde dont nous sommes partie prenante. Cette notion engage les principes de métabolisme, d’écosystème, de processus circulaires – plutôt que linéaires – et l’émergence d’une dimension temporelle. La question des limites entre humains, animaux, végétaux et objets inanimés traverse également notre actualité. Acceptant l’idée d’un monde unique – dont nous ne sommes qu’une espèce – nous devons questionner le droit que nous nous sommes arrogé à nous rendre maîtres et possesseurs de la nature. Qu’en est-il de celui des animaux, des rivières, de la biodiversité au sens large ? Ce sont enfin les limites du vivant telles que nous les connaissons qui sont remises en question par le développement de l’intelligence artificielle, de la robotique, du transhumanisme et des biotechnologies. Le vivant constitue ainsi un prisme pour reconsidérer d’une façon générale notre rapport au monde, et notre condition urbaine en particulier.

Métabolisme urbain : la figure du vivant pour dépasser la métaphore

Depuis des siècles, la représentation des villes a alterné entre vision machiniste et vision organique. L’idée métabolique implique un processus propre au vivant de transformation d’une ressource en déchet pour en tirer une énergie vitale. Or la ville est née de la division des fonctions entre production agricole, artisanat et commerce. Elle organise des flux entrants et sortants, formant avec la campagne un système aux mécanismes interdépendants. Née de la séparation, la ville est ontologiquement échanges et flux, corroborant la métaphore métabolique. La synergie entre ville et campagne subsiste jusqu’au XIXe siècle, mais l’industrialisation de l’agriculture rompt progressivement cette complémentarité. Marx qualifiera de « clivage métabolique »Bellamy Foster, John, (2000) : Marx’s ecology : Materialism and nature, New York, Monthly Review Press. la rupture  entre l’humanité et la nature opérée par le capitalisme et l’industrialisation de l’agriculture.

Le mouvement Moderne encouragea le divorce avec cette vision écosystémique en disjoignant les fonctions de la ville pour techniciser son métabolisme et optimiser son rendement. Elle devient superposition de cellules à habiter, de machines à travailler et de couloirs de flux. Cette vision machiniste triomphera après la Seconde Guerre mondiale, accélérant la rupture avec le milieu naturel dénoncée par Marx, malgré quelques critiques pionnières du rationalisme techniciste moderne, notamment le mouvement métaboliste japonais, prônant des villes modulables selon une croissance organique, ou Team X repensant le logement comme un système de grappes vivantes plutôt que comme un agrégat de « machines à habiter ».

La notion de métabolisme urbain revient aujourd’hui dans un contexte de crise écologique imminente, les outils théoriques et technologiques donnant à ce néologisme une acception nouvelle. Elle incarne désormais une prise en compte du défi écologique pour « ménager » le fonctionnement urbain, mais également faire le lien entre les réflexions et pratiques des aménageurs de la ville.

Plusieurs formes de quantificationsWachsmuth, David (2012) : « Three Ecologies : Urban metabolism and the society/nature opposition », The Sociological Quarterly, Volume 53, Issue 4, Omaha, Midwest Sociological Society. du métabolisme urbain ont ainsi été explorées. Une première approche, inspirée par la sociologie de l’école de Chicago, consiste à analyser la croissance et la structure d’une ville selon l’organisation de ses flux de mobilité. La seconde, principalement quantitative, peut être qualifiée d’écologie industrielle. Elle repose sur une comptabilisation des flux matériels et énergétiques traversant la ville, de façon à mesurer leur impact sur l’environnement. Le but est de passer d’un métabolisme linéaire – qui repousse à l’infini ses « sortants » – à un métabolisme circulaire recyclant ses « sortants » en « entrants ». Une troisième approche, celle d’une écologie politique urbaine, considère les flux non comme une donnée autonome mais déterminée par les choix sociaux et politiques d’une ville, sous la contrainte de ses besoins et des caractéristiques de son environnement naturel et géophysique.

L’action des concepteurs de la ville doit intégrer l’éventail de ces visions pour transformer le métabolisme urbain selon un scénario désirable. Comment traduire ce concept en outil pratique de développement ? La figure d’un planificateur métabolique influençant les décisions politiques aux différentes échelles territoriales reste à inventer, même si des pistes se dessinent.

Conjuguer des approches complexes

La ville repensée sous son angle métabolique repose sur le renversement des barrières idéologiques de la pensée moderne et doit être envisagée de l’échelle de la cellule d’habitation, du quartier et de la ville jusqu’à celle du territoire et in fine à l’échelle planétaire. Il s’agit de travailler ce métabolisme urbain transcalaire par un ensemble d’approches complexes, de produire une ville du vivant, mixte et changeante, intégrant de l’ouvert.

Dépasser les clivages

Le mode de production de l’urbain dans les cultures occidentales s’est développé selon une culture technocratique du clivage : séparation des savoirs et des expertises, mais aussi des pouvoirs et des acteurs. Il s’est d’autre part construit sur une logique descendante allant du général au particulier : la planification spatiale précédant la localisation des programmes, puis leur définition détaillée par des opérateurs privés et, en bout de course, la conception par les maîtres d’œuvre. Concevoir une ville vivante impose de refondre ces procédés et pratiques, de dépasser les clivages classiques en invitant les acteurs à sortir de leur rôle et en plaidant pour des modes de production plus ouverts et réflexifs. Il convient de migrer d’un modèle segmenté, descendant et linéaire vers un modèle transversal, ascendant et circulaire.

À cet égard, de nouveaux types d’appel à projet s’inscrivent en rupture avec la verticalité de la planification traditionnelle, mais aussi avec le formalisme spectaculaire propre aux concours d’architecture. À l’image de l’Appel à Projets Urbains Innovants Réinventer Paris, en 2015, cette dynamique passe par une mise en concurrence valorisant les critères d’innovation à égalité avec les critères financiers. Constituer des équipes pluridisciplinaires associant architectes, urbanistes, paysagistes, promoteurs, bureaux d’étude, start-up, artistes, associations ou chercheurs renverse les logiques d’acteurs et pousse les intervenants à sortir de leur zone de confort et de leurs certitudes, révélant des synergies en reliant des savoirs et préoccupations traditionnellement dissociés.

Relier les usages

La ville vivante est avant tout ville mixte. L’urbanisme moderne s’était employée à sectoriser spatialement nos temps de vie, favorisant l’étalement urbain. Les recherches sur la ville durable revalorisent la densité et de la mixité, rejoignant les aspirations des nouvelles générations. L’ubiquité rendue possible par la technologie favorise le décloisonnement de nos temps et lieux de vie, entre travail, loisir ou consommation. Le zoning fonctionnaliste laisse place à une ville mixte dans laquelle nos différentes conditions de travailleur, d’habitant ou de consommateur sont spatialement réunies.

Dans les immeubles destinés au travail, le concept de coworking révèle les dynamiques nées de la collaboration informelle entre différents champs de compétence, ce que les industries créatives ont théorisées sous la notion de sérendipité. Le suffixe – co, qui revisite nos usages autour de l’idée de partager et faire ensemble, est le symbole de cette recherche de synergie. Travailler à plusieurs c’est partager des idées, des ressources et des expériences. Il en est de même pour les transports et l’habitat. L’explosion de logiques monofonctionnelles et la mutabilité formelle permettent l’émergence de coexistences inédites et fertiles. La mixité programmatique au sein d’un bâtiment mêlant logements, espaces de travail, équipements sportifs, espaces culturels et de commerce, services… assure à tout heure une vie attractive pour des publics variés. Cette complexité fonctionnelle, cette coexistence sociale est d’autant plus féconde qu’elle s’ouvre sur l’extérieur.

Ouvrir des dynamiques temporelles

Une approche vivante de la ville et de son tissu bâti passe par une conception ouverte de ses dynamiques temporelles. Il est essentiel d’entrevoir par des stratégies de préfiguration la vie d’un bâtiment avant même que celui-ci n’émerge ou ne renaisse. Un projet dont le programme n’est pas entièrement arrêté offre des espaces à inventer par une interaction entre les futurs usagers et les habitants, qui connaissent les services dont leur espace de vie est dépourvu. En offrant une opportunité d’évolution dans le cloisonnement de ses espaces internes, le squelette modulable d’un bâtiment peut ensuite s’adapter à ses occupants et à « l’air du temps » en offrant une grande liberté dans la réversibilité des usages. La fluctuation des populations et du marché, la croissance des entreprises ou l’évolution des modes de vie sculpteront son anatomie en le métamorphosant au fil du temps.

Pensé de façon réversible à long terme, le bâtiment devient suffisamment modulable pour offrir une grande variété d’usages à court terme, selon les heures de la journée. Le restaurant d’un immeuble de bureaux peut ainsi se transformer en espace de travail informel, voire en salle de projection ou de présentation en dehors de son activité culinaire. L’architecture s’adapte aux différents temps de la ville et de ses usagers. Le temps comme composante du vivant – jusque-là oubliée dans l’approche de la ville – ne doit plus représenter une limite à la conception urbaine mais permettre à l’architecte de devenir le metteur en espace de synergies nées des usages partagés et de la co-propriété de l’espace.

Réintégrer le vivant

Au-delà de son insertion dans un quartier, un projet d’architecture doit se fondre dans le « jardin planétaire »Clément, Gilles, Eveno, Claude (1997) : Le Jardin planétaire, La Tour d’Aigue, L’Aube/Champvallon., plaçant l’homme en son sein comme responsable de son état. Le métabolisme urbain commence à l’échelle du bâtiment. Un immeuble mixte – aujourd’hui imaginable en structure bois – peut être conçu de façon à métaboliser ses déchets et les transformer en ressource. Des légumes cultivés sur le toit, sur des parcelles maraîchères alimentées par les eaux de ruissellement, peuvent être vendus ou transformés sur place dans une logique de circuits courts, et leurs déchets réutilisés pour enrichir les cultures après compostage.

Eduardo Kohn, Forêt amazonienne, 2017

Ces programmes d’agriculture urbaine, très en vogue, restent au stade de l’expérimentation. Nul ne sait s’ils représenteront à terme des solutions concrètes d’approvisionnement en nourriture sur des circuits courts, mais ils incarnent déjà une évolution du rapport du tissu urbain à la nature, au vivant. De façon générale, la multiplication et la nouvelle échelle – beaucoup plus importante – des formes de végétalisation du bâti favorisent la biodiversité globale. Les paysagistes œuvrant sur les projets architecturaux le font désormais en dialogue avec des écologues afin de mener des enquêtes sur les espèces indigènes et opérer des choix non plus esthétiques mais en lien avec la richesse du milieu local.

Le végétal intègre ainsi très en amont les projets architecturaux. Le paysagiste n’intervient plus a posteriori sur le geste architectural existant, pour des raisons cosmétiques de décoration ou de dissimulation d’éléments techniques. Le vivant prend place au cœur de la conception architecturale, qui se définit avec et autour de lui, permettant de nouvelles continuités naturelles à l’échelle urbaine. Pour l’usager, cela représente une source de confort, en termes visuels, de température ou de lumière, mais aussi un rapport au bâti passant par un appel plus large à l’ensemble de ses sens.

Circulaires mais ouverts, autonomes mais interdépendants, catalyseurs à des échelles emboîtées, les principes du projet urbain doivent porter un objectif ultime : l’amélioration de la qualité de vie. De nombreuses études pointent les bienfaits de la proximité d’un « espace vert » sur la santé physique et mentale d’un citadin. Selon une étude d’impact réalisée à BarceloneNatalie, Mueller, David, Rojas-Rueda, Xavier, Basagaña et al (2017) : « Urban and transport planning related exposures and mortality: a health impact assessment for cities », Environ Health Perspect 201., elle pourrait prévenir plus de 100 décès prématurés chaque année. Prenant en compte ces considérations, même un immeuble de bureau peut être conçu comme le socle d’un espace ouvert, vivant et naturel. Plutôt que d’occuper les vides de la ville, l’architecture métabolique propose d’hybrider les typologies spatiales pour accueillir de nouvelles fonctions tout en maintenant une respiration urbaine. Les quantifications sur l’espérance de vie, le fonctionnement cognitif ou le taux de fécondité sont encore balbutiantes, mais l’importance de reconsidérer notre relation à la nature urbaine est indéniable.

Difficile d’estimer jusqu’où nous mènera cette vision métabolique et ouverte de la ville, mais nous devons l’explorer et rester attentif à l’ensemble des signaux vivants qu’elle émet déjà pour passer de l’utopie urbaine à la réalisation concrète. Conjuguer des approches complexes est une façon de se défaire des préjugés et idéologies, d’accepter de se remettre en cause, de construire les conditions de possibles ouverts, en admettant que la forme architecturale, trop souvent première, reste un processus dynamique. De cette posture, celle d’un architecte rendu paradoxalement plus humble et plus attentif par son rôle crucial à la croisée des champs, naissent des synergies à l’échelle du métabolisme urbain dont le caractère imprévisible constitue la facette la plus enthousiasmante de la pratique architecturale contemporaine.

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