Concept buildings
Comment as-tu initié le développement de projets concepts comme Concept Office avec EDF ou Hypergreen avec Lafarge ?
Je voulais une vraie réflexion de recherche en marge des projets et des concours. L’idée est donc venue de mettre en œuvre un « concept building », à l’instar des « concepts cars » de l’industrie automobile. Tout projet d’architecture peut être vu comme un travail de recherche, mais quand nous avons commencé à travailler sur Concept Office, nous nous sommes vraiment mis dans la situation d’un laboratoire. En nous donnant une grande liberté : pas de délais, pas de pression de gagner un concours, pas d’obligation de composer avec une réalité immédiate. Il s’agissait d’imaginer un bâtiment prototype, un objet virtuel destiné, non pas à être construit, mais à faire bouger les choses. Le sujet de recherche a donc été un bâtiment de bureaux de 20.000 m2, hyper environnemental. C’était l’occasion d’explorer toutes les technologies disponibles en matière d’économie d’énergie et de production d’énergies gratuites, mais aussi de concevoir un nouvel espace de travail et de proposer un immeuble de bureau qui participe à la vie de la ville.
Le travail sur les aspects énergétiques a été mené à bien en collaboration avec la direction de la recherche d’EDF, Electricité de France étant le sponsor du projet. J’avais à cœur de démontrer qu’on pouvait atteindre une haute efficacité énergétique sans pour autant régresser au temps des cavernes : l’immeuble de bureaux du futur ne serait pas un bunker percé de petits trous en guise de fenêtres pour satisfaire à je ne sais quelle norme ou réglementation thermique. Concept Office est au contraire, de façon radicale, un immeuble transparent et lumineux. Il met en œuvre des dispositifs simples (jardins d’hiver, puits canadiens…) ou sophistiqués (panneaux photovoltaïques, courant porteur en ligne) pour réduire la consommation d’énergie par un facteur 4.
Mais ce projet propose aussi une réflexion sur les espaces collectifs au sein des espaces de travail. Ceux-ci sont largement dimensionnés et mis en scène de façon à renouveler complètement l’idée de l’immeuble de bureau. De ce point de vue Concept Office peut être considéré comme un objet hybride, métissant le bureau, l’hôtel, le mall commercial. C’est une réponse logique au fait que les espaces de travail (bureaux, universités, usines, etc.) ont été en grande partie substitués aux espaces publics comme lieu de relations sociales.
Nous avons également offert la possibilité de mutualiser une partie du bâtiment pour accueillir des activités hors bureau : exposition, réunion, restauration, hébergement… une façon d’allonger le temps d’utilisation du bâtiment habituellement limité à environ un tiers de la semaine. Concept Office a été présenté avec succès au Mipim 2004, et a fait l’objet de nombreuses conférences organisées par EDF : du point de vue de notre sponsor industriel, c’est une réussite, marquée par la publication d’un livre préfacé par Nicolas Hulot. Pour l’agence, l’aventure Concept Office a été l’opportunité d’accumuler des connaissances sur les thèmes énergétiques et de confirmer notre conviction de la nécessité d’inventer de nouveaux espaces de travail. Cette expérience de recherche s’est prolongée à l’échelle du gratte-ciel avec le projet Hypergreen en collaboration avec Lafarge. Ce gratte-ciel ultra-environnemental est une réponse à l’étalement urbain des grandes métropoles afin de créer des points de densité : il propose une vision de la tour comme composante essentielle de la ville durable. Ce projet a été montré pour la première fois en novembre 2005 lors d’une conférence à l’université de Tongji à Shanghai.