Promouvoir des échanges de connaissances imprévus
Un outil complémentaire est la promotion passive de la diffusion du savoir. L’échange de connaissances peut être promu par l’aménagement urbain d’un quartier et le positionnement intelligent de certaines fonctions en son sein. Par exemple, fournir des équipements collectifs (comme des salles blanches ou des appareils coûteux) augmente les rencontres entre les personnes et les entreprises, et favorise la coopération et l’échange. La disposition d’équipements collectifs et d’un espace ouvert sur le campus forme une « scène » pour la diffusion du savoir et pour l’interaction entre les habitants et les organismes.
Le Campus High Tech de Eindhoven fait preuve d’un aménagement spécifique, et des règles bien précises encouragent l’interaction et la diffusion du savoir. Les architectes ont choisi de centraliser les équipements publics et de répartir les différentes zones fonctionnelles autour d’eux de manière concentrique. Au cœur du campus se trouvent les espaces à usage collectif (les restaurants, magasins et salles de réunion) regroupés en un immeuble appelé « The Strip » [la bande], à côté duquel sont situés des équipements communs comme « MiPlaza », « The Holst Centre » et le « Centre pour la médecine moléculaire » ; ces bâtiments comprennent des salles blanches, des laboratoires, et d’autres espaces spécialisés. Plus excentrés, on trouve des parkings à silos parsemés entre des immeubles à usages mixtes. Enfin, les équipements sportifs et l’école maternelle sont situés en périphérie. La distance maximale entre les installations centrales et les autres équipements sur le campus est d’environ huit minutes à pied.
Les stratégies d’aménagement ont été renforcées par une réglementation stricte et propre au campus. La zone intérieure est inaccessible aux voitures et les grands espaces verts paysagés sont de grande qualité. Les employés et visiteurs sont ainsi incités à se rendre à pied à leur destination au sein du campus, exhortant une fois de plus les rencontres dans un milieu accueillant. Les salles de réunion des immeubles privés ne peuvent accueillir plus de huit personnes, au profit de salles plus larges situées dans « The Strip ». Les immeubles privés ne peuvent pas non plus comporter de cantines ni de cafés, car eux aussi sont proposés dans les espaces communs. Même les équipements sportifs, également à usage collectif, privilégient surtout les sports d’équipe aux dépens des entraînements individuels.
Conclusions, recommandations et quelques précautions
Les promoteurs de pôles du savoir et les gouvernements locaux ont généralement des attentes très précises quant au potentiel d’innovation des nouveaux quartiers. Néanmoins, la plupart des entreprises ont des rapports privilégiés avec des partenaires extérieurs plutôt qu’avec leurs voisins de pôle. Peu d’études aux résultats concluants ont su dire si le succès des entreprises situées sur des pôles était dû à une corrélation de facteurs déjà présents dans le quartier, ou s’il venait de la colocation. Ainsi, rien ne mène à croire que les pôles du savoir puissent être stimulés par l’interaction locale seule. De plus, fort souvent, les interactions qui se font dans de tels lieux peuvent ne pas être directement liées au savoir et à l’innovation, mais elles peuvent néanmoins être fructueuses pour les entreprises en leur donnant accès à des informations commerciales par exemple (comme les tendances des marchés) et à des conseils stratégiques (comment obtenir des financements).
Un autre point important est de réaliser que les travaux d’innovation se font très différemment selon les domaines. Les métiers créatifs dépendent énormément d’un réseau efficace de « bonnes personnes » et de relations clients fondées sur l’innovation ainsi que d’ambiances stimulant la créativité. Le travail freelance et le turnover très élevé y sont très fréquents et la réputation est un atout essentiel. En revanche, dans les domaines scientifiques (comme la biotechnologie), les procédés d’innovation sont très systématisés et s’appuient sur des connaissances formelles et des méthodes scientifiques. Le « savoir-quoi » et le « savoir-comment » sont plus pertinents et poussent les entreprises à se montrer très sélectives dans le choix de leurs partenaires. La coopération technique se fait souvent à travers des partenariats internationaux. Et même au sein de domaines spécifiques, les modes d’innovation peuvent différer – le design industriel est très différent d’un tournage de film et la découverte d’une nouvelle molécule implique d’autres procédés et « proximités » que le développement de tissus humains.
Enfin, ne vous attendez pas à ce qu’un simple bar cherche à se faire promoteur d’innovation. Comme le montre Hubert, dans le cas d’employés des NTIC [Nouvelles technologies de l’information et de la communication] de Cambridge, « dans les bars, les gens sont souvent trop ivres pour dire quoi que ce soit de techniquement cohérent. »
Au vu des restrictions listées ci-dessus, quels outils sont disponibles pour les promoteurs et concepteurs des pôles du savoir ?
- Sélectionner les locataires. Assurez-vous que les locataires du pôle soient plus ou moins complémentaires. La « distance cognitive » entre les locataires ne doit pas être trop grande (c’est-à-dire qu’ils appartiennent à des domaines complètement différents) ni trop faible (s’ils sont trop semblables, ils ne verront pas l’intérêt de collaborer). La sélection des locataires peut se faire par l’établissement de critères d’admission pour les nouveaux arrivants.
- Offrir des installations professionnelles collectives (des salles blanches, des laboratoires, des services de prototypage, des organismes de financement, des services de soutien aux entreprises, etc.). Ces mesures offrent aux locataires des installations haut de gamme et leur permettent ainsi de se concentrer sur leur activité principale : l’innovation. De nombreux établissements du savoir sont très satisfaits des solutions « clé en main » et des prix tout-en-un comprenant l’accès à tant d’excellents équipements et infrastructures, d’autant plus qu’ils peuvent mener à des rencontres imprévues entre sociétés locataires.
- Assurer un programme d’activités pertinent. L’organisation de discours-programmes avec de grandes figures du monde industriel, des démonstrations de nouvelles technologies, etc. peut provoquer un élan fédérateur et rassembler des personnes différentes autour d’un intérêt commun. De la même façon, l’organisation d’événements, comme des tournois sportifs ou des manifestations culturelles, participe à la création de liens sociaux et, potentiellement, à des coopérations professionnelles.
- Promouvoir l’interaction par l’aménagement de la ville et du paysage. Le pôle peut être aménagé de façon à favoriser les rencontres fortuites au sein des espaces publics. Des aménagements comme des parcs mais aussi une faible circulation, des promenades piétonnes et/ou des pistes cyclables sont autant d’éléments favorables.
- Créer des équipements et commodités centralisés. La centralisation des bars, restaurants et salles de réunions augmente les chances de rencontres et permet aussi de donner au lieu un centre et une identité. Dans un pôle très réglementé, les locataires n’ont parfois même pas le droit d’avoir leurs propres équipements et commodités, comme sur le campus d’Eindhoven.
- Offrir des services spécialisés pour les start-ups. Les jeunes entreprises sont fortement pourvues d’idées et de forces novatrices, il faut donc s’assurer qu’elles se sentent à l’aise au sein du pôle en leur offrant, notamment, des loyers plus attractifs et des services de soutien. Vous pouvez également les mettre en contact avec des entreprises plus importantes sur le site, de nouveaux clients potentiels, ou les aider à élargir leur réseau.
Traduit de l’anglais par Colette Taylor-Jones