L’autre phénomène à prendre en compte est l’élasticité du monde. la multi polarisation se fait et se défait au rythme des déplacements des centres d’intérêts, des capitaux, des personnes. L’occident n’est plus le seul centre du monde : la périphérie est aussi un centre et le centre se fait périphérie. La mondialisation engendre un nouveau redéploiement géographique et spatial où les régions ont leur rôle à jouer et où pousseront comme des champignons des leisure-affair-city (lac) – villes-parcs urbains dédiés. Le binôme public/privé s’en trouve bousculé. L’espace marchand devient un immense filet en remplacement du marché international traditionnel.
Les grandes, moyennes et petites firmes (unipersonnelles) privées agissent, tout en le créant, sur un marché de réseaux. Le plus difficile étant de rejoindre ou de créer l’un de ces réseaux. À la vieille règle verticale du taylorisme – identification, rapidité, répétition – a succédé celle de l’ohnismeLe terme
d’ « Ohnisme » est parfois remplacé par « Toyotisme ». Il vient de Monsieur Taiichi Ohno, ingénieur chez Toyota. , plus horizontale, fonctionnant en flux tendus (la commande engendre la fabrication) et en réseau. Bien qu’il soit l’héritière du fordisme (la rationalisation du travail au service de son efficacité), l’ohnisme est surtout en phase avec le
« capitalisme cognitif » actuel où chaque individu possède une autonomie toute relative. chaque individu, envisagé comme un lien hypertexte, devient un support de création de connaissances et d’informations au service de l’entreprise-réseau.
Tout est interchangeable, liquide. Selon Zygmunt BaumanLa Vie liquide, collection « Les Incorrects », éditions Le Rouergue/ Jacqueline Chambon, Rodez, 2006., les hommes sont sans liens permanents. leurs échanges sont élastiques, extrêmement fragiles et en constante évolution, selon les besoins et les circonstances. « la “vie liquide” est celle que l’on a tendance à vivre dans une société moderne liquide. une “société liquide” est celle où les conditions dans lesquelles ses membres agissent changent en moins de temps qu’il n’en faut aux modes d’action pour se figer en habitudes et en routines. La liquidité de la vie et celle de la société se nourrissent et se renforcent l’une l’autre. La vie liquide, tout comme la société moderne liquide ne peut conserver sa forme ni rester sur la bonne trajectoire longtemps. », écrit Bauman, pointant ainsi la difficulté à suivre une mondialisation devenue express, instantanée, agissant aux rythmes endiablés de la techno, du numérique et échappant
à toute tentative d’apprivoisement. Thomas L. FriedmanLa Terre est plate – Une brève histoire du XXIe siècle, éditions Saint-Simon, Paris, 2006 (2005). y voit une chance historique pour l’individu. il divise en trois temps l’évolution de la mondialisation :
— 1492 : découverte de l’Amérique et invention des états ;
— début XiXe siècle : importance des multinationales à l’ère de la révolution industrielle ;
— fin XXe siècle : l’utilisateur aguerri de la plate-forme technologique peut « devenir l’auteur de son propre travail ».
Ce dispositif de conception-réalisation-diffusion met aujourd’hui l’individu au centre névralgique d’un moteur liant politique, économie et innovation. Friedman clame : « tout ce qui peut être fait sera fait ». Le message est clair. Il croit à un déterminisme politique, économique et inventif où les états et les entreprises, qui ont plus de souvenirs que de rêves, sont condamnés au déclin. Le rétrécissement de la planète profite à la créativité individuelle afin d’emmener la production humaine dans le bon ou le mauvais sens. car il s’agit bien de cela. Que vous viviez au fin fond de l’Anjou, sur l’Hudson river ou à Pékin, que vous soyez trader, créateur ou simple acteur de la société civile, la globalisation technico-économique et la mondialisation politico-culturelle vous touche, comme nous tous. Le monde qui se dessine sous nos yeux est à la fois générique et spécifique, universel et identitaire. le temps s’y accélère et l’espace devient un ensemble d’archipels.
Les interactions entre économie et communication bouleversent tous les rapports humains et la manière de concevoir les relations sociales. l’économie de l’information et de la communication, appelée aussi économie numérique, impose aux limites physiques (territoires), aux états, aux entreprises et aux individus d’être continuellement aux aguets. chacun rivalise avec chacun. certains n’ont pas peur d’appeler cela la guerre économiqueSurfer sur le site infoguerre.com est à cet égard éclairant.. « C’est que le monde n’est pas là pour nous faire plaisir. C’est pourquoi nous pouvons – et devons – le transformer. Encore faut-il d’abord le penser comme il est sans se raconter d’histoires. le réel n’a guère coutume d’être satisfaisant. Pourquoi une pensée vraie le serait-elle ?L’Intelligence économique :
une nouvelle culture pour un nouveau monde, éditions Presses Universitaires
de France, Paris, 2006.»
Après la description du champ de bataille, des forces et faiblesses en présence, la raison nous guide à élaborer une (ou des) stratégie(s) dans l’optique d’obtenir des résultats. Quelles sont ces raisons ? Pêle-mêle. Le monde se transforme à toute vitesse. Les repères se déplacent. Il s’en invente de nouveaux tous les jours. La « société-monde » est plongée dans une guerre économique où l’information et la communication sont les deux grands corps d’une armée prête à tout renverser pour ceux qui les possèdent. Les cycles de ruptures (technologiques, économiques, sociaux…) se raccourcissent. L’attention aux changements est extrême. Par conséquent, l’indépendance dans cette atmosphère particulière est primordiale. Le combat est permanent pour préserver cette dernière, garante d’une écriture singulière. Et les stratégies, potentiellement là.