La ville métabolisme, un cadre théorique propice à l’émergence d’un urbanisme des temps ?
Le cadre théorique de la ville métabolisme permet de penser la ville comme un système complexe, à rebours de la ville monofonctionnaliste pensée et organisée en silos, héritage de la pensée dualiste moderne. L’approche fractale décrite par Léone-Alix MazaudAux racines de la ville métabolisme, Léone-Alix Mazaud, Stream Voices 05, avril 2022 « articule une circularité au niveau du bâti qui forme un premier métabolisme, lui-même inscrit dans un quartier ou une avenue, eux-mêmes inclus dans le métabolisme de la ville, villes qui font également métabolisme entre elles » et permet de saisir une ville en mouvement composée de cœurs battants qui interagissent continuellement, au rythme des flux entrant et sortant. Ces transformations de matière à différentes échelles animent les différents métabolismes de la ville, associées par exemple à la nutrition, à la mobilité, à la respiration, ou encore au cycle du sommeil.Chaire Ville Métabolisme, initiée par PCA-STREAM, portée par l’Université PSL et soutenue par Groupama et Artelia.
Dans cette optique, les méthodologies pour comprendre la ville vivante explorées par Pauline DetavernierExplorer les méthodologies de la ville vivante, Pauline Detavernier, Stream Voices 09, 2023, l’analyse du cycle de vie usuellement calculée sur 50 ans pour considérer la durée de vie moyenne d’un bâtiment et celle du métabolisme urbain calculée sur un an, pourraient s’enrichir d’un calcul du cycle de vie d’un bâtiment sur 24h, imbriquant ainsi les analyses sur différentes temporalités. Dépassant ainsi l’analyse du cycle de vie centrée uniquement sur la matière et les flux entrants, sortants et stockés, le cycle de 24h permet de réintroduire la notion d’usages et/ou d’occupation de mètres carrés.
Au-delà d’une analyse cyclique des flux qui permettent à la ville métabolisme de se maintenir en vie, le concept de « piles urbaines » (urban stack) compris comme des ensembles sociotechniques à l’œuvre à toutes les échelles urbaines (bâtiment – quartier – ville) semble particulièrement adapté pour penser la nuit urbaine et ses effets sur le bâti, les infrastructures, les mobilités, les usages et le vivant. Le bâti et la nuit, ce sont les immeubles qui se vident, les infrastructures la nuit, ce sont les aménagements publics comme l’éclairage, les mobilités la nuit, ce sont les enjeux d’accessibilité et de mise en réseau, les usages la nuit, ce sont les fêtards et fêtardes, les militants et militantes, les dormeurs et dormeuses, les travailleurs et travailleuses, les exclus et exclues, le vivant la nuit, ce sont les humains et les non-humains. Le cadre théorique de la ville métabolisme permet ainsi de mieux discerner ce que la nuit fait à la ville mais aussi ce que la ville fait à la nuit en multipliant les échelles et les portes d’entrées tout en alliant approche qualitative et quantitative. Ici, il est crucial de rappeler que la notion d’usage, si elle a surtout été employée anthropologiquement dans cet article, doit aussi se comprendre plus largement, pour et par l’ensemble des vivants pour une ville véritablement durable, désirable et inclusive.
Gianvito Corazza, assistant de projet au pôle urbanisme et Lucie Wix, communication digitale et éditoriale chez PCA-STREAM